Les demeures d’un poète disparu

Il meurt lentement
Celui qui ne change pas de cap
Lorsqu’il est malheureux
Au travail ou en amour,
Celui qui ne prend pas de risques
Pour réaliser ses rêves
Celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
N’a fui les conseils sensés.

Vis maintenant.
Risque-toi aujourd’hui…

Cet extrait de poème a été imaginé par Pablo Neruda, auquel nous voulions consacrer un article car il a marqué durablement la culture et la vie politique chiliennes.

Plus qu’un poète ayant reçu de nombreuses décorations, dont le prix Nobel de littérature en 1970, c’est son engagement pour représenter les intérêts de son pays à travers le monde qui lui valut d’être nommé ambassadeur du Chili à Paris dans les années 70. Pablo Neruda a milité toute sa vie au sein des partis communiste puis socialiste de son pays, allant même jusqu’à se présenter aux élections présidentielles en 1969.

Nous avons découvert le poète à travers son univers en visitant ses trois demeures situées respectivement à Valparaiso, Isla Negra et Santiago. Il les a imaginées et faites construire pour accueillir ce qui constitua sa vie, ses innombrables collections mais également pour héberger celle qui de statut de maîtresse devint sa femme et muse tout au long de sa vie, Mathilde Urrutia.

Ses maisons nous ont profondément marqués de part leur architecture atypique, leur exceptionnel emplacement, leurs larges ouvertures sur le monde extérieur et la variété des éléments venus des quatre coins du monde qui constituent leur décoration, et créent un environnement incroyablement cohérent et confortable.

Elles témoignent de la grande qualité de vie de cet homme qui lorsqu’il n’écrivait pas, passait son temps à organiser des repas copieux avec ses proches, autour de tables colorées (« l’eau n’a pas le même goût dans des verres colorés »), à se déguiser ou à organiser des parties de cartes sur des tables de bistrot ramenées de Paris.

Les photos illustrant ces visites sont pour la plupart prises depuis l’extérieur, celles pouvant être prises à l’intérieur étant très limitées.

 

La « Chascona » à Santiago

 

La demeure fut érigée pour accueillir Mathilde Urrutia qui inspira tout au long de sa vie les poèmes de l’artiste.

Sur les hauteurs de la ville, cachée du regard des passants, cette maison est constituée de plusieurs dépendances dans un jardin étonnamment luxuriant. Elle fut finalement peu habitée par Pablo qui lui préféra celle de l’Isla Negra, mais resta celle qui lui permettait de partager ses moments avec Mathilde au début de leur relation amoureuse.

Suite au décès du poète en septembre 73, Mathilde décida de restaurer cette maison après qu’elle fût saccagée suite du coup d’état de Pinochet et continua d’y vivre jusqu’en 1990.

On retrouve dans cette demeure les nombreux prix et récompenses obtenus par le poète tout au long de sa vie.

 

La « Sebastiana » à Valparaiso

 

Neruda était fasciné par la ville de Valparaiso, son originalité, ses couleurs et la décadence de ses habitants. La vue depuis cette maison, au travers d’immenses baies vitrées, est saisissante car elle surplombe toute la ville. Elle invite ainsi à rester admirer les mouvements de va et vient au sein de la ville, les allers et venues des paquebots dans le port. Elle fut au cœur de l’inspiration de l’artiste.

 

La « Isla Negra »

 

Cette demeure était la préférée du poète et la plus mémorable selon nous, à plusieurs égards.

Tout d’abord, de par son emplacement ; bien que située entre Santiago et Valparaiso, le paysage y est bien différent. La maison a en effet été construite directement sur la plage au pied des rochers.

D’autre part, elle regroupe la majeure partie des collections rassemblée par Neruda tout au long de sa vie, notamment une collection exceptionnelle de têtes de proue de bateau, exposées dans une pièce qui leur est dédiée face à la mer. On y découvre également ses collections uniques de coquillages, cartes du monde, globes terrestres, maquettes de bateaux et masques ethniques.

L’ensemble est en totale harmonie avec l’environnement marin, et on l’assimile d’ailleurs à un bateau.

 

Le poète avait à plusieurs reprises exprimé le souhait de reposer avec Mathilde au pied de cette maison. Décédé 11 jours après la prise de pouvoir par Pinochet en 1973, le vœu de ce fervent militant du parti communiste ne fut pourtant exaucé qu’en 2001. Après de nombreuses interrogations entourant les circonstances de son décès, il fut exhumé en 2013 afin de connaître les raisons exactes de sa mort. Les conclusions de l’enquête prétendent à une mort naturelle suite à un cancer, mais nombreuses sont encore les personnes à penser que les évènements politiques de septembre 1973 ont accéléré la disparition de celui qui restera le plus grand poète chilien.

 

2 Responses to “ Les demeures d’un poète disparu ”

  1. Je reviens sur cet article : Il semblerait que vous ayez fait vôtre cet extrait du Poète, »li meurt lentement celui qui ne change pas de cap ….. » alors quelle récompense pour nous tous de découvrir
    ces lieux de vie dont les détails, les dessins, les couleurs , l’intégration dans le site, magnifique de sensibilité
    de véritables écrins tout simplement MERCI

  2. Merci d’avoir entre-baillé portes et fenêtres afin de nous permettre d’y jeter un oeil !
    La simplicité et la modestie de ces lieux ouverts sur l’extérieur reflètent la grandeur de cet homme engagé.
    Avant d’oublier, merci pour mon amie Josselyne.
    J’ai hâte de voir ce que vous aurez fait pour les fêtes de fin d’année loin de notre chère France !
    Annie

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